J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015
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CIEL NOVEMBRE 1

le ciel sans dessus dessous

JOURNAL D'AUTOMNE  

Texte & Une photo par jour

 

 

Semaine 44- Année XXIII -  Vendredi  3 Novembre

 

Cernée par les cauchemars qui répliquent le cauchemar de la réalité guerrière, je reste immergée dans des lectures qui me ramènent invariablement, et elles aussi,  à l'idée de la mort. Je m'étonne en permanence que la vie puisse facilement continuer autour de moi, plutôt assourdie, car je ne me promène plus en ville, peut-être de peur d'y trouver  dans les yeux des gens, les stigmates de ma propre inquiétude. C'est une ambiance que je connais déjà, depuis les premiers attentats, et à chaque fois que se déclenche un conflit entre pays ou partisanneries de tout acabit. La haine me fait peur qu'elle soit larvée ou manifeste. Cela n'a rien d'exceptionnel. Ecrire est insuffisant pour en juguler le maléfice.

Lire le dernier livre de Pascal QUIGNARD, Les heures heureuses, ne m'a pas sortie de cette coulée de pessimisme, il dissèque une fois de plus cette hantise de la mort qui fait commettre des folies depuis les débuts de la vie terrestre, dont il dit qu'elle ne représente que 30% de la planète, les pourcentages restants représentant la masse océanique avec ses abysses insondables et fascinants. Il dit aussi que le temps devient l'espace dès qu'on se place face à la mer des origines et devant notre passé de poissons.

Joël CLERGET ne fait que renforcer l'idée en faisant allusion à la vie placentaire, dans son livre Devenir soi avec les autres, mais il laisse un espoir en misant sur la capacité à contenir l'insécurité du nouveau né par le toucher et la parole humanisante, qui à son tour la transmettra. C'est à se demander si ce n'est pas la première raison à l'état désastreux du monde: une faillite  gigantesque à prendre soin de l'autre et de soi par solidarité vitale.

La poésie ne m'apporte pas de vrai réconfort ces jours-ci, elle est trop éloignée de ce que je ressens moralement et physiquement à l'écoute des tragédies qui me rappellent celles dont j'entends parler depuis l'enfance. "Si tu veux la paix , prépare la guerre" répétait bêtement le père pour faire cesser le flot d'objections infantiles... Ou, lorsqu'on refusait de montrer une blessure honteuse ramenée des jeux d'extérieur, " Ne t'inquiète pas, on a déjà vu les horreurs de la guerre"... De quoi parlait-il exactement, lui qui ne l'avait pas faite, et seulement son service militaire dans la ville où je suis née, où il avait contracté de l'asthme, qu'il m'a transmis... Probablement auxs moment où il devait monter la garde dans l'obscurité, près d'un bâtiment militaire planté dans la garrigue... On ne peut pas tellement se défendre avec un fusil déchargé, et deux balles dans une boîte quelque part dans la nuit... Il était question d'un mot de passe qu'il lui fallait connaître par coeur sans l'écrire pour le rejoindre et prendre son tour de veille... Il en parlait en riant, ne se doutant pas que ses propos ne démontraient que sa trouille rétrospective et sa virilité mal incarnée. Notre mère était plus cash sur les récits de guerre, elle l'avait vécue différemment car moins protégée par sa famille. Elle avait en horreur les armes à feu et nous a couvé.e.s sans nous épargner ses angoisses et ses superstitions.  Tous ces récits me reviennent en boucle tous ces jours...

Le livre de Valérie ROUZEAU magnifiquement accompagné des oeuvres de Florent CHOPIN raconte en très résumé, la vie de Nina SIMONE, pianiste et chanteuse d'origine américaine et nous invite à réécouter ses beaux titres dans la transmission du "blues" ...

Difficile de ne pas se sentir concernée par ces mélodies qui luttent contre le racisme, la misère et la ségrégation des peuples descendants d'esclaves... et ces textes qui cherchent eux aussi désespérément l'amour... grâce à la musique...

Papa, can you hear me | Nina Simone

 

Et l'Aria peu à peu varia

De plus en plus noire se fit la voix

 

A la little Girl Blue du matin

Devenue  A Single Woman au soir

Ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre

 

 

Semaine 44- Année XXIII -  Samedi  4 Novembre

 

ST EX NOV 23prendre de la hauteur

 

Les petites combines publicitaires pour éloigner les idées noires me semblent vouées à disparaître comme les bulles dans l'eau gazeuse à l'air libre. Plus j'écoute parler les nouveaux psys ou philosophes sur les réseaux sociaux  et plus je prends conscience de la supercherie de leurs méthodes d'abord gratuites ,puis vite opportunistes et racoleuses. L'inclusion de mots anglais et de tics verbaux dans leur vocabulaire me paraissent tout droit  importés d'Outre Atlantique où la philosophie du prêt -à -panser et du yakafaucon relèvent d'un eugénisme sanitaire qui méconnaît ouvertement les subtilités des mécanismes inconscients de la personne humaine. Il n'est question que de remettre les  travailleurs et les travailleuses déprimées au taf , les étudiant.e.s à leurs études, les enfants et les personnes âgées dans des cases d'attente... en bidouillant leur sérotonine et en les inondant de suggestions de comportements  standardisés... Je comprends mieux la colère et le pamphlet écrit dans la Revue-dard n.7  l'ouroboros à la robe de glace par mon Ami psychiatre Emmanuel VENET. Il m'a autorisé à la signaler, elle est de nature polémique et j'en partage en grand partie le propos. Il s'agit d'une lettre brûlot étayée par une expérience de praticien chevronné et servie par une plume humoristique acérée...  Je salue l'audace mais ne peux m'empêcher de penser que ce type de tribune est réservée à une classe sociale supérieure à la mienne, protégée par son statut de notable. Pour autant, cela encourage à réfléchir à la fois sur les méthodes et sur le fond  des pratiques soignantes à l'ère de la rentabilité numérique... Bientôt l'I.A. s'emparera de notre bien-être mental en déprogrammant nos pensées parasites ou fausses au profit de petites doses audiovisuelles de "kifs" et de listes autodiagnostiques avec échelle de non conformité aux  standards de la sociabilité souhaitable. On a vu venir, cette simplification abusive de la complexité et ce mythe de la transparence des cataclysmes émotionnels voulus réversibles... Aide-toi la machine t'y aidera... Remplis tes questionnaires d'évaluation... Débrouille-toi pour trouver des interlocuteurs humains sur file d'attente... N'aie pas peur... Big Mother is caring you... N'oublie pas d'activer ta CB !

 

 

 

 

 

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